Les Belles Disparues


La Rochefoucauld
 
La comtesse de La Rochefoucauld recevait tous les mardis, le plus souvent pour des
séances musicales au cours desquelles il lui arrivait de présenter des morceaux de sa
composition, d'inspiration variée, allant de la messe à la valse.

Le grand salon se transformait parfois en théâtre. Pour les réceptions importantes,
le maire mettait à la disposition du comte deux pompiers " en petite tenue d'incendie ".

On avait coutume, à cette époque, de louer sa villa pour quelques semaines ou mois.
Le premier locataire fut S.E. don José de la Gandara qui eut le mauvais goût d'y mourir en 1885.

 
Quatre ans plus tard, devant les réticences des édiles de Pau, le représentant des voyages de la reine Victoria, sur le continent se tourna vers Biarritz. Le maire, Alcide Augey, avait au préalable reçu une dépêche lui demandant si la ville était en mesure d'offrir à " une famille distinguée " un logement approprié pour une soixantaine de personnes.

Le choix se porta sur La Rochefoucauld et la fébrilité s'empara du quartier. Mais la reine refusait tout apparat.



Entre temps, arrivait depuis Windsor, Jacquot, l'âne gris acheté à Aix-les-Bains, la carriole, le lit en acajou massif et le fauteuil en bois doré de la reine.

La souveraine, âgée de 70 ans, et les cinquante-sept personnes de sa suite arrivèrent en gare de La Négresse par train spécial le 7 mars 1889.

Ressortis pour l'occasion, les reverbères de l'époque impériale aux initiales N.E. entrelacées, s'échelonnaient dans la nouvelle avenue Victoria. La reine en grand deuil traversa Biarritz. Les Hindous de sa suite dont on précisa que ce n'étaient pas des sikhs mais des mulsumans du Bengale firent sensation avec leurs riches costumes orientaux et leurs barbes de jais.
 

Le comte de La Rochefoucauld attendait la reine sur le perron de la villa.

Il lui remit la clé en or, ciselée
pour la circonstance par la bijouterie Artéon de Bayonne.

 

 

 

Le séjour à Biarritz fut sans histoire avec promenades répétées au Rocher de la Vierge, visite détaillée du château Boulard, pélerinage sur les tombes des soldats anglais tombés en 1813-1814, après-midi chez le général Bourbaki à Bayonne.

 





Figure aussi parmi les hôtes célèbres de La Rochefoucauld, la princesse Yourievski, épouse morganatique
du tsar Alexandre II. Elle séjourna plusieurs années consécutives à partir de 1893.

Ses enfants et une nombreuse suite l'accompagnaient. Il fallait au moins trois serviteurs pour prendre
soin des cinquante chiens qui étaient du voyage. On pouvait croiser l'attelage princier galopant à
tombeau ouvert par crainte d'un attentat nihiliste.
     

Le comte de La Rochefoucauld employait un cuisinier plus passionné d'aéroplanes que de casseroles.

André Dumoulin échafaudait la théorie du " disque giratoire " et, entre deux sauces, construisait " un tracteur pour la navigation aérienne "

Le 17 mars 1904, il présenta dans le parc une machine volante devant un public de notables. Après un exposé technique, juché sur son appareil, il réussit un léger saut. Pour célébrer l'exploit, le comte offrit un buffet.

L'engin fut exposé à Bayonne. Malgré le refus du Ministère de la guerre de s'y intéresser, il connut la consécration à la galerie des machines à Paris en 1905.

     
La reine Nathalie de Serbie, en août 1906, vint y passer plusieurs jours. Le roi Edouard VII fut convié
à déjeuner par le comte de La Rochefoucauld et sa belle-fille la princesse Pignatelli en mars 1908.

Gaston de La Rochefoucauld mourut en 1915. La propriété fut vendue en plusieurs parties.
En 1947, la ville y installa le lycée.
 
Textes de Monique et Francis Rousseau - Biarritz-Promenade
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