En fait de grippe asiatique, ce fut plutôt une coqueluche. Son sourire et ses mines, cette exquise courtoisie qu'il promène avec lui, l'insaisissable talent qu'il y a dans le swing le plus lent du monde, baigné dans l'huile et retrempé dans la sagesse de Confucius, ce sang-froid de reptile et ce caractère d'une autre race : cette panoplie hors-série et ce fluide magique nous valurent notamment, sur les 18 derniers trous de Biarritz, un conflit pathétique avec la rigueur toute australienne et la grande force intérieure de David Graham, tenant d''un titre arraché, l'année précédente, sur le dernier trou de Chantaco, à Molina et Garaïalde.
Il y a, en effet, des accidents de parcours - des " crevaisons ", comme les appelle plaisamment Jean Garaïalde - qu'un champion de sang britannique digère avec sa force de caractère mais qui sur Lu Liang Huan, semblent glisser comme la pluie sur le plumage des canards. Ainsi allait-il ressusciter d'un premier tour catastrophique (71 à Biarritz, par 69) par deux exploits retentissants dans les deux tours suivants (63 à La Nivelle, 62 à Biarritz). Ainsi allait-il préserver la victoire finale dans un dernier tour à Biarritz, bouclé en 66, en dépit de deux incidents, qui eussent mis à cran tout
autre joueur que lui. Deux approches trop longues sur deux par quatre apparemment sans problème, l'une au 7, l'autre au 13, égarèrent sa balle, un fois dans un buis de clôture, l'autre fois dans le sabot d'une spectatrice qui s'était déchaussée. Les deux fois, il s'en tira par des pirouettes géniales, exaspérantes pour Graham qui lui livrait là une sorte de match-play. La première fois, il concéda seulement le point de pénalité. La seconde fois, il sauva aisément son 4 en prévenant toutefois le public : " Attention ! Cette sacrée balle pourrait encore tomber dans la poche de l'un d'entre vous ! ".
On ne cultive pas mieux son personnage, on ne suscite pas mieux le coup de foudre que ce vainqueur surgi de quelque conte pour enfants, de quelque légende asiatique, et qui avait pris soin, de surcroît, d'apprendre deux mots de français à l'intention de son public : " Mair-çi-bô-couh...".
Merci, Lu, et ramenez-nous souvent sur les greens ce rire jaune qui, pour une fois, est un rire heureux.
Denis Lalanne